La canopée de la forêt de Tai, vue du Mont Niénoukoué, un singe Magistrat scrutant l'homme blanc - 9 juin 2014
Tai : près de 5.500 km2 de forêt dense, humide, et surtout encore préservée, au sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Forêt primaire, la jungle en somme, refuge des singes, des hippopotames pygmées, des éléphants de forêts et de nombreuses espèces d’oiseaux. Ouais, nombreuses sans aucun doute, mais c’est une horreur pour les repérer. Ou bien les bestiaux sont dans la canopée, bien trop haut pour les apercevoir, et quand tu n’es pas un spécialiste des chants, c’est « macache bono » pour les identifier. Ou bien quand tu en trouves un dans la strate inférieure, si jamais tu as réussi à l’identifier, c’est en général également « macache bono » pour le photographier à cause de la densité de la végétation… Il y a toujours une feuille ou une branche qui gêne, à moins que, quand il est à découvert, ce ne soit le peu de lumière qui empêche l’autofocus de se régler (en tout cas, avec mon petit matériel).
Pour ne pas rentrer bredouille, il y a fort heureusement les lisières de forêt et les rivières où l’on a enfin du champ pour la vision. Ainsi en quatre jours là-bas, je n’ai pu ramener des photos à peu près présentables que de six espèces d’oiseaux. Et encore, quand il s’agit d’un Calao à Casque Jaune, c’est la femelle qui se présente devant l’objectif, et la femelle, côté casque jaune, c’est toujours et encore « macache bono » ! Cette femelle, c'est plutôt le style vieille femme, au saut du lit, cheveux teints en orange pas encore peignés, qui s'est couchée la veille sans se démaquiller. Finalement une bonne gueule dans la tradition des seconds rôles du cinéma français.
L'espèce est considérée comme quasi-menacée (near threatened) par les spécialistes; mais à Tai, aucun problème pour la cocher, elle est localement commune... On ne va pas mentir.
A la lisière de la forêt, à la bonne franquette, on peut trouver d'autres choses, non ?
Un Pigeon à Nuque Bronzé, pourquoi pas. Ca peut faire sourire, mais l'oiseau n'est pas si courant que ça, malgré sa ressemblance avec un pigeon dégénéré parisien, pour na pas dire binguiste.
Pourquoi pas encore un Calao, mais cette fois beaucoup plus discret que son cousin à casque jaune (qui, soit dit en passant, est énorme: environ 90 cm du bec à la queue, aussi grand qu'un Héron Cendré): le Calao de Hartlaub. Bizarrement, il se tenait sur une branche, à découvert et bien en vue; car il se cache habituellement en forêt, à l'abri des regards.
Pas grand chose de plus capté dans l'appareil, à la lisière. Alors il faudra quand même tenter la forêt elle même. Allons ! Et on y va pour deux jours dans la forêt primaire, avec bivouac prévu à la clé.
Marche sous les arbres, à l'ombre apparemment, et pourtant quelle chaleur; On sue de plus en plus, on est rapidement trempé d'une force rare. Les oiseaux se font également rares, en tout cas pour ceux qui ne sont pas férus d' "ornithologie fine", comme dirait l'ami Etienne. Faute d'oiseaux, singes, reptiles, scorpions et autres sont au rendez-vous; on fait des rencontres, qui quelquefois ne sont que des contacts. Alors un contact, c'est quand on ne voit pas, mais quand on a, par exemple, entendu l'animal, vu ses traces voire même ses fécès (je m'excuse par avance, j'ai osé le mot, au risque d'être pédant).
Tout ça, nous l'avons expérimenté avec des Eléphants de Forêt. Nous les avons d'abord entendu, non pas barrir, mais déambuler - si l'on peut dire - dans la forêt en écrasant tout sur leur passage, vu des traces plus ou moins fraîches. Et puis à un moment à un endroit, à la fois des traces et des "bouses" (ce ne sont pas des vaches, mais je ne connais pas le nom scientifique de la chose et je n'ose plus dire fécès), et par surcroit une odeur, comme avait dit l'autre; oui une odeur, comme au zoo! Les dites bouses étaient d'ailleurs bien fraîches, quasiment encore fumantes; les Eléphants nous avaient précédés de peu. Nous avons espéré, mais nous ne les verrons jamais; dommage, mais pas bien grave, car tant de sensations inconnues jusqu'alors.
Eléphant de Forêt, "bouse" bien fraîche (à gauche), et traces également fraîches - Forêt de Tai, Côte d'Ivoire, 9 juin 2014
Et on continue d'avancer sans arriver à voir grand chose - sauf pour l'ami Etienne, qui, com' d'hab', fait donc, et au risque de se répéter, de l' "ornithologie fine" (je veux dire avoir la patience de passer une demi-heure à identifier un petit oiseau impossible justement à identifier) - mais en tout cas on apprécie d'être ailleurs et surtout d'arriver à l'endroit prévu pour bivouaquer, près d'un torrent assez improbable dans cet environnement de jungle.
Il fait presque nuit. Aussi faut-il rapidement monter les tentes, manger, et éviter les fourmis Magnans , considérées dangereuses pour l'homme et dont les morsures sont très douloureuses comme on dit dans Wikipedia.
Tortue "de forêt primaire" - Forêt de Tai, Côte d'Ivoire, 9 juin 2014
Blablabla...Pour résumer, la forêt dense, primaire, on l'appelle comme on veut, c'est un peu difficile pour l'ornitho. Un jour après, j'ai fait dans la facilité, en pirogue dans la rivière longeant cette forêt. Enfin on pouvait observer des oiseaux sans autant de contraintes, et on pouvait en photgraphier de temps en temps quelques uns.
En tout cas, la jungle, c'est bien ingrat pour l'ornitho, vaut mieux être herpéthologue ou étudier les primates. "Yako" ("je compatis") pour l'ornitho, dirait l'Ivoirien.